Les durées de vie, de travail, d’information sont de plus en plus rapides et nos corps y survivent de plus plus longtemps.
Face à ce monde accéléré, nous faisons le choix de poser notre caméra sur un pied, de regarder longuement nos acteurs et leur attente,
le paysage autour de nous que nous arpentons à pied pendant plusieurs heures. Nous regardons nos propres corps, ceux de nos proches,
ceux de nos actrices. Jeunes femmes, en devenir pour qui tout est à construire au travers d’éléments mobiles (sans réels fondements).
Nous nous questionnons à travers de longues discussions sur nos propres souvenirs et sur nos souvenirs communs, sur ce qui fait qu’ils
sont personnels, communs ou générationnels. Nous regardons nos mémoires et nos identités singulières et globales.

Ces corps que nous mettons en scène au travers de vidéos, de photographies et de textes sont dans des paysages, dans des natures prenantes
ou écrasantes, des natures que nous savons aussi en danger et que nous contemplons. Par un accessoire, un objet, un habit,
ils s'y superposent, s'y camouflent. Ces représentations sont picturales et lentes.

Nous nous construisons une mémoire, un passé complexe, détourné mais avant tout poétique. Nous nous interrogeons sur les âges de la femme,
sur des corps qui se construisent entre une identité individuelle et une identité collective. Ces femmes sont à la fois des enfants,
des adolescentes, des jeunes femmes, des mères. Elles sont à la fois mortes et vivantes.
Elles nous apparaissent dans leur tendresse, leur gêne et leur souvenir. L’ensemble questionne l’absence, le manque de vitalité ou
l’absence des corps visibles. Ces corps sont immobiles, fantomatiques. Ils sont des sœurs, des amis, des amants. Ils sont des doubles,
des triples, des duos, des solos, des facettes de personnalités, des contraires, des rencontres, des assemblages. Ensemble ils dessinent
les contours d’une mémoire collective. Ils sont la définition d’une tragédie contemporaine.

Nos espaces sont silencieux, « sourds », ils laissent parfois s’infiltrer le  murmure du monde, des mots, un récit.
Ils font appel à des sensations de violence, de solitude. Ils dessinent des espaces vidés de toute présence active. Ils racontent une
intimité.
Nous inventons une lenteur, un chuchotement, un geste discret. Nous jouons avec nos acteurs, nous écrivons très peu de « script » ou de
« scénario » avant de filmer, nous composons avec eux, avec leurs histoires et leurs envies. Ils ne sont pas seulement des personnages
inertes.

Le monde change vite, nous tentons d’en capter quelques instants dans un temps soutenu et mis en boucle.
Nous dessinons une géographie du vécu. Nos installations sont sonores, physiques, à l'échelle du corps humain, les basses résonnent à
l'intérieur de chaque visiteur invité à la contemplation. Nous le laissons doucement se confronter à la réalité, à sa propre réalité.